Et moi, qui va me soigner ?

Un délire, naissant sur une thématique simple “Imagine le docteur du futur ?“. Et de là, une nouvelle, écrite avec mes moyens et mon envie. Ca donne ça.


“Et moi, qui va me soigner ?”.

Clay était songeur. Comme toujours, il était sur le pont, à s’occuper des soldats blessés lors de la dernière attaque. Mais si un jour les Xeross s’attaquaient à son vaisseau, qui le soignerait, lui ?

Les lumières des moniteurs clignotaient de partout, dans une ambiance assez électrique. La dernière attaque alien avait fait de sérieux dégâts parmi les rangs de la coalition, et tous les docs étaient affairés. De la simple cicatrisation laser à l’amputation d’un bras ou d’une jambe, la guerre se jouait maintenant dans l’infirmerie du EC-Liminality, un croiseur de guerre de la Coalition Terrienne.

Cela faisait déjà des dizaines d’années que ce même spectacle se jouait en permanence, au gré des attaques Xeross ou Humaines. Clay avait, d’une certaine façon, l’habitude et répétait presque mécaniquement ses mouvements, qu’il maîtrisait si bien.

Et eux, ils ont des docs aussi pour les soigner ?“, dit-il à haute voix, sans même en avoir conscience.
Je pense pas que cette vermine se soigne. Pour eux, les soldats sont déjà tous morts“, répondit un soldat, allongé sur le lit d’à côté, attendant que la vilaine blessure sur son front soit recousue.
Oh Dimitri, je n’avais pas vu que tu étais là. Je suis à toi dans un instant“. Et Clay de finir de sectionner le pied droit d’une soldate endormie devant lui.

Une fois la blessure cautérisée, il se tourna vers Dimitri, et commença à l’ausculter. 
Tu sais, si je pouvais, je viendrais bien combattre à vos côtés“.
Malheureusement, ce n’est pas ton rôle, et puis, même si vu ton talent à l’e-scalpel, tu serais très doué pour découper du Xerr, je préfère encore te savoir ici pour me rafistoler après une mission“, ricana le soldat.
J’aimerais quand même faire une demande au capitaine. Après tout, je suis un soldat de l’EC, moi aussi.
Tu parles, le capitaine va te pisser dessus, et si tu te plains à l’état-major, ils te diront juste qu’il pleut.

Clay savait que Dimitri avait raison. Mais ça ne lui plaisait pas. D’accord, il était très doué dans son rôle de doc, mais au fond de lui, une amertume grandissait, celle de ne pas pouvoir lui aussi se battre. Et puis, après tout, un doc sur le terrain, ça pourrait être utile, même s’il était vrai que les téléporteurs d’urgence permettaient de très vite rapatrier les blessés.

Cette fois-ci, le nombre d’éclopés qui affluaient à l’infirmerie était plus élevé que d’habitude. Le briefing de pré-mission avait bien dit qu’il s’agissait d’une attaque d’envergure, mais le niveau de professionnalisme et de préparation de la flotte laissait supposer que les Xeross seraient très vite submergés, et que l’attaque ne serait pas longue. Pourtant, cela faisait maintenant plus d’une heure qu’elle avait commencé, et que les blessés arrivaient par dizaines.

Alors qu’il s’affairait sur un nouveau patient, un bruit sourd, suivi de plusieurs cris, et de ce qui semblait être un violent choc sur la carlingue du vaisseau le sortit de ses pensées. Alors que les soldats encore conscients semblaient sonnés, tous les docs, eux, se figèrent, et se regardèrent, comme pour chercher une instruction auprès des autres. C’est finalement l’alerte rouge qui relança le travail, les docs reprenant alors de façon très mécanique, sans même se soucier d’autre chose.

Putain, c’était quoi ça ?“, cria Dimitri.
Je pense que nous sommes attaqués, Dimitri. Ça semble pourtant évident. Ton cerveau a-t-il été touché ?“, répondit Clay, de façon très pragmatique.

Un message d’alerte se mit alors à retentir dans les coursives du navire.

Ici le capitaine Wurst. Alerte rouge. Ceci n’est pas un exercice. Les Xerr ont ouvert une brèche sur le pont B3. Tous les hommes et femmes du Liminality doivent s’équiper. Ponts A et B, périmètre de défense en zone B1 avec le lieutenant Simmons. Ponts C, D et E, rendez-vous en C3, avec la lieutenante Sia-Kawa. Notre flotte subit une énorme contre-offensive, nous ne pouvons pas perdre le Lim.

Est-ce que ce message s’adressait aussi aux docs ? Clay regarda Dimitri.

Putain à quoi tu pe…“, commença le soldat.
Viens avec moi, on va défendre le vaisseau“, répondit Clay, se dirigeant alors vers la sortie de l’infirmerie. 

Dimitri hallucinait totalement. Clay qui allait partir au combat ? 
Att… Attends-moi !

Une fois arrivés dans la coursive, les deux amis se retrouvèrent en plein chaos. Des hommes et des femmes courant tous, visiblement vers le point de rassemblement indiqué plus tôt par le capitaine. Au sol, un soldat gisait dans son sang, semble t-il heurté par un pan de mur qui s’était effondré sur lui.

Prends son arme, et suis moi !“, cria alors Dimitri.
Mais comment je m’en sers ?“, lui répondit le doc.
Tu vises, tu appuies, et tu lâches ta meilleure punchline !“, lança alors son ami, en lui mimant les gestes.

Clay s’exécuta et prit l’arme en main. C’était la première fois qu’il tenait un fusil à énergie. C’était d’ailleurs également la première fois qu’il quittait l’infirmerie depuis le départ du Liminality de son spaciodock. 

Ils se mirent alors à courir en direction de la zone B1, guidés par Dimitri qui, contrairement à son acolyte, savait parfaitement où il allait.

Stop, arrête toi !“, cria-t-il.

Une série de tirs retentit alors, suivie de plusieurs cris effroyables. 

Trois Xerr, dans la coursive devant nous. Ils ne nous ont pas vu, à mon go, on les dégomme !“.

L’ambiance était glaciale, malgré le hurlement des sirènes d’alarmes et les bruits incessants de combat, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du croiseur.

Go !!!

Ils s’élançèrent alors dans le couloir, et se mirent à canarder. Devant eux, seuls deux aliens étaient encore debout, le troisième étant visiblement tombé sous le feu d’un de leurs alliés. Clay entendit alors son ami hurler en invectivant l’espèce ennemie, sous le bruit des projectiles à énergie. Il tira et atteignit sa cible sans aucun souci. Dimitri, lui, eût un peu plus de mal, mais réussit tout de même à abattre le second alors que celui-ci était sur le point d’arriver au corps à corps.

Une sensation étrange s’empara alors du doc. Comme s’il était fait pour ça. Comme si c’était une évidence.

Et ben, c’est à se demander ce que les docs font de leur temps libre“, dit le soldat, admiratif du tir de son compagnon.

Clay le regarda, interloqué, et se remit en marche.

Nous avons une mission, pas le temps d’attendre ici“, répondit-il.

Dimitri était estomaqué. Comment le commandement avait-il pu passer à côté d’un tel élément ? Il le savait, son tir n’avait rien à voir avec la chance. C’était la précision chirurgicale qui caractérisait son compère.

Voyant Clay partir devant lui, il courut pour le rattraper. 

On doit aller prot…“, commença t-il, interrompu par une violente explosion semblant provenir de l’arrière du vaisseau.

Une voix retentit alors : “A tout l’equip. “swzzzt” aband… le navi… je rép… “swzzt” andonnez… navire ! Brèche dans “swzzzt” dégâts irrévers…“.

Les deux amis se regardèrent. Il n’y avait plus qu’une chose à faire, fuir. Ils se mirent alors à courir en direction des capsules de sauvetage, situées au milieu du pont B. Sur le chemin, après avoir abattu trois autres Xeross qui leur barraient la route, Clay s’arrêta d’un coup. 

Si le navire tombe entre leur main, ils auront accès à nos bases de données… Et toutes les formes d’IA présentes sur le vaisseau.“, dit-il à son acolyte.
A quoi tu penses ?“, répondit le soldat ?

Le doc pointa alors l’une des inscriptions au mur, montrant la direction de la salle du réacteur.

Si nous devons tous tomber, alors emmenons le Liminality avec nous, et protégeons ce que l’on peut protéger“, lâcha-t-il.

Dimitri était impressionné par l’implacable logique de son ami. D’un côté, il espérait encore pouvoir sauver sa vie, mais de l’autre, son instinct de soldat de la coalition Terrienne donnait raison à Clay.

On va pas s’en réchapper, cette fois, mon pote…“, dit-il calmement.
Je sais“.

Après un bref échange de regard, ils partirent vers ce qui serait leur dernière mission.

Arrivant près des capsules de sauvetage, Clay s’arrêta net.

Attends. Il me faut une cellule d’énergie. Prends-en dans une des capsules.“, dit-il, toujours avec ce ton si froid.

Dimitri entra alors dans la capsule, et alors qu’il s’apprêtait à ouvrir le panneau donnant accès au sésame, il entendit derrière lui le bruit du sas se refermant, pendant que le harnais automatisé le plaquait contre la paroi.

Clay, qu’est ce que tu fous bordel ?“, hurla-t-il.
Mon rôle est de protéger la vie, le tiens de combattre. Bonne chance, mon ami“, répondit le doc.
Putain de tête de bit, fais pas ça ! Je veux venir avec t…“, vociféra l’homme, coupé net par l’expulsion de sa capsule dans l’espace.

Clay leva alors la main, en signe d’adieu, pendant qu’une larme coulait sur la joue du soldat.

Le doc se remit alors en route vers le réacteur, et au terme d’un dernier échange de politesses avec un alien, entra dans la chambre de confinement du réacteur. Il savait comment le faire entrer en surcharge, et mit rapidement en court-circuit le moteur du vaisseau.

Comme s’il pensait en réchapper, il se cacha alors derrière le sas blindé qui donnait accès à la salle.

Au revoir, Liminality…

L’explosion fut violente et intense, détruisant chaque parcelle du vaisseau dans une sorte de feu d’artifice géant. Le corps de Clay fut projeté dans le vide spatial, lui permettant de contempler la zone de guerre, dans l’immensité de l’espace.

L’espace, il ne l’avait jamais vu comme ça. A la fois froid et mortel, mais en même temps si beau et poétique. 

Ses pensées furent dérangées par la vision de son bras robotique, visiblement décroché de son endosquelette lors de l’explosion, passant à côté de lui dans le vide. Son système d’exploitation l’alertait alors d’une fuite massive de son liquide de refroidissement et de l’extinction prochaine de ses systèmes, que sa batterie, endommagée, n’arrivait plus à alimenter.

Et moi, qui va me soigner ?“.

Par Guillaume “Apoc” Dessery

Apoc

J'aime le piment d'espelette.

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